Essai de définition
La classe inversée, c’est quoi ?
Comme le précise Marcel Lebrun (professeur émérite à l’Université catholique de Louvain), "l’approche des Classes inversées est surtout un changement de paradigme, de mentalités dans les rapports que nous construisons avec les termes « Savoirs », « Apprendre » et « Enseigner ». Le concept porte donc une grande variété de pratiques, de méthodes et de techniques à la fois relationnelles et techniques." C’est à lui que nous devons l’explication du principe de la classe inversée selon 3 types.
Et la classe renversée ?
La classe renversée, quant à elle, pousse le dispositif encore plus loin : les élèves font le cours, le professeur les assiste et repart avec des devoirs. C’est Jean-Charles Cailliez qui a expérimenté ce dispositif avec ses étudiants en L3 à l’Université catholique de Lille.
Explications par le concepteur lui-même :
Les conditions de sa mise en place
Deux conditions à la mise en place de la classe inversée :
– du point de vue des enseignants (professeurs de discipline ou professeur documentaliste), cela demande du temps, de la disponibilité et des compétences techniques et pédagogiques. Donc, éventuellement une formation, ou une auto-formation.
– du point de vue des élèves, il est nécessaire de les accompagner vers l’autonomie en y allant progressivement. Ces ressources doivent être pensées pédagogiquement en vue de l’acquisition d’apprentissages et de compétences. Certaines tâches s’y prêteront mieux que d’autres. Le choix doit être judicieux.
Le professeur documentaliste et son rôle dans la classe inversée
Les compétences spécifiques aux professeurs documentalistes, précisées dans le document officiel référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation , éclaire sur les champs d’action possible en classe inversée :
– enseignants et maîtres d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias
– maîtres d’œuvre de l’organisation des ressources pédagogiques de l’établissement et de leur mise à disposition
– acteurs de l’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel
Les possibilités offertes sont multiples.
- Dans sa mission de pédagogue, le professeur documentaliste a souvent recours à des pratiques pédagogiques actives, où les élèves doivent se déplacer dans le CDI, aller physiquement chercher de l’information, la partager avec son groupe et la restituer ensuite pour garder trace. L’organisation des espaces du CDI sont parfois (souvent) modulés afin de mieux répondre à la pratique pédagogique éprouvée. (cf. livre de Vincent Faillet)
- En tant que responsable de l’organisation des ressources au sein d’un établissement, le documentaliste organise, entre autres, l’accès des ressources dématérialisées pour permettre une plus grande flexibilité pédagogique pour les enseignants souhaitant pratiquer la classe inversée. En plus de cette mise à disposition, il s’agit aussi d’accompagner et de former les élèves à ce nouvel usage distancié tant dans leurs pratiques (connaître les outils de la recherche documentaire dématérialisée, créer un document de collecte), qu’en terme de compétences à développer (esprit critique, pertinence des informations, hiérarchisation). C’est vrai aussi pour les professeurs qui auront besoin d’un accompagnement et peut-être d’une formation, à des outils qu’ils manipulent peu ou pas pour certains.
Pour le professeur documentaliste, la facilitation à la pédagogie inversée pour les collègues, est aussi un enseignement de classe inversée avec les collègues. Effectivement, il peut être nécessaire et souhaitable de préparer des tutoriels, sous forme de capsules vidéo, afin que les professeurs gagnent en autonomie dans l’utilisation de certains outils numériques. Une fois visionnées, si des questions persistent, alors ils sollicitent le professeur documentaliste pour lever les derniers freins.
- Enfin, dans son rôle de médiateur au service de la communauté scolaire, les occasions ne manquent pas. Par la création de documents ressources, de bulletins d’informations, de padlet ou genialy recensant les actualités culturelles, portes ouvertes ou autres manifestations nationales, le professeur documentaliste est un facilitateur, qui mène ses collègues vers plus d’autonomie et de liberté (consultation où je veux, quand je veux).
Cas pratiques
Lister toutes les possibilités de classe inversée, renversée ou pédagogie active innovante (sortant du triangle didactique classique) serait illusoire, puisque la seule limite serait notre imagination. Mais quelques exemples contextualisés peuvent permettre à certains de se lancer, avant de créer eux-mêmes.
En EMI (collège ou lycée)
Il est aisé d’utiliser la classe inversée dans le cadre de l’EMI. Dans un premier temps, les élèves devront, en amont de la séance, visionner des capsules vidéo ou bien un parcours jalonné de ressources multimédias sélectionnées par le professeur documentaliste (et un professeur de discipline), afin de se familiariser avec le sujet ciblé. Les apports théoriques seraient ainsi déjà vus.
Dans un deuxième temps, le jour de la séance, le cours débute par la mobilisation des connaissances vues à la maison grâce au parcours multimédias, par exemple en réalisant une carte mentale commune (réactivation). C’est aussi l’occasion de répondre aux questions des élèves.
Les élèves, répartis en petits groupes, réalisent une activité (créer une fake news pour leurs camarades, réaliser la Une du jour à partir de dépêches AFP, écrire et enregistrer une brève information...), une tâche plus complexe, accompagnée si besoin par l’enseignant.
Un autre exemple, testé en classe de terminale, en interdisciplinarité avec une professeure de SES. Sur un sujet donné (les crises économiques), les élèves par groupes de 3 groupes, réalisent des recherches au CDI (ressources locales), puis poursuivent à l’extérieur de établissement (ressources numériques) afin de réaliser une synthèse sous forme d’un sketchnote. Une restitution orale est prévue en classe, par groupe, avec pour seul support le sketchnote. Le reste de la classe prend des notes. Les élèves font cours aux élèves. L’enseignante répond aux questions plus précises et rectifie si besoin les informations transmises. Ce système de classe renversée, est une bonne occasion de s’entraîner au Grand Oral.
Développer les compétences langagières (collège & lycée)
Organiser une séance de bookdating, aussi bien en français qu’en langues étrangères, offre la possibilité de rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages, aussi bien dans des conditions de classe inversée que renversée. Les consignes sont données par les enseignants : les élèves doivent lire un livre de leur choix et de leur niveau (langue étrangère) et réaliser un résumé donnant envie de lire le livre (attentes disciplinaires propres : vocabulaire, expression, construction, etc). Le travail est corrigé par l’enseignant. Ensuite, l’élève apprend son résumé pour pouvoir le restituer dans un temps limité à plusieurs camarades de sa classe. Chacun devant écouter au moins 4-5 résumés de livres et devant donner envie de lire le leur aussi 4-5 fois. Les élèves se déplacent dans le CDI, à des tables d’écoute différentes. Une double évaluation est faite : par les enseignants et par les élèves entre eux.
Enfin, consulter l’article sur "s’approprier le cours de SES sur la socialisation en créant une vidéo", pour voir en détail une expérimentation de classe inversée.
Pourquoi utiliser la classe inversée avec les élèves ? Quels atouts pour les enseignants et les élèves ?
L’enseignant
Dans ces pratiques pédagogiques actives, l’encadrement par l’enseignant est primordial pour que l’apprentissage par les pairs soit efficace. Il ne s’agit pas de livrer à eux-mêmes les apprenants. Toutes les situations ne s’y prêtent pas forcément. Le choix doit être judicieux. Qui y a t-il de plus avantageux qu’un apprenant qui se prend en charge et participe en tant que partenaire dans le processus d’enseignement ?
Les élèves
Les élèves sont en activité en classe et mettent en application ce qu’ils ont vu par eux-mêmes (rétroaction). Ils deviennent acteurs et maîtres de leurs apprentissages. C’est en faisant que l’on apprend. C’est aussi en se trompant que l’on progresse. Nous sommes au cœur de la pédagogie active. En plus de l’acquisition de savoirs, les jeunes acquièrent des compétences psychosociales (CPS) importantes dans leur formation et pour leur vie quotidienne : coopération, collaboration, entraide, communication, autonomie, confiance en soi.
Ressources :
– Blog de Marcel Lebrun, http://lebrunremy.be/WordPress/
– Canopé, article, Isabelle Nizet, Florian Meyer, la classe inversée, que peut-elle apporter aux élèves ?, 2016.
– Canopé, article, Isabelle Nizet, Florian Meyer, la classe inversée, que peut-elle apporter aux enseignants ?, 2015.
– Julie Lecoq, Marcel Lebrun, Classes inversées, Enseigner et apprendre à l’endroit ! Canopé, 128 p. 2016
– Vincent Faillet, Remodeler sa salle de classe et sa pédagogie. Canopé. 2019
– Association, Inversons la classe !, organisatrice du CLIC (Congrès sur les classes inversées et les pédagogies actives) qui a lieu une fois par an.
– Bruno Devauchelle, La classe inversée en questions, ESF Sciences humaines, ISBN 978-2-7101-3931-7
– Bruno Devauchelle : La classe inversée en questions, Café pédagogique, 2019
– Coordonné par Marie-Sylvie Claude, “La classe inversée : activité des enseignants, activité des apprenants”, revue Recherches en Education , n°46, Janvier 2022.
– Aurélie Stauder, “La classe inversée. Le cours à la maison, les devoirs en classe”, InterCDI n°254, Mars- Avril 2015 .
– François Poyet, "Faire classe autrement au collège grâce aux ENT ?", Cahiers pédagogiques n°557, décembre 2019.
– Coordonné par Françoise Colsaet et Héloise Dufour, “Classes inversées”, Cahiers pédagogiques, n°537, mai 2017.
– Lucile Sire, “réaliser des capsules vidéo pédagogiques”, les fiches Intercdi, InterCDI n°290, Mars-avril 2021.
– Jean-Charles Cailliez, La classe renversée : l’innovation pédagogique par le changement de posture, Ellipses, 2019. 216 p.
– Julie Crusot, Développer les compétences orales des élèves par la pratique médiatique, Mémoire INSPE Paris, 2021. (pratique de la classe inversée en prenant appui sur le format du Grand Oral)
Formations :
– Magistère, S’initier au concept de classe inversée, auto-formation
– Canopé, La classe inversée, une nouvelle approche pédagogique
– Canopé, La classe inversée : des outils de création de capsules vidéo
– Canopé, La classe inversée : des outils pour créer des activités en ligne
– Canopé, La classe inversée : des outils de partage et de collaboration